La clinique mobile de l’hôpital HEAL Africa dans une campagne de réparation gratuite des fistules dans le Nord-Ubangi

La clinique mobile de l’hôpital HEAL Africa dans une campagne de réparation gratuite des fistules dans le Nord-Ubangi

Agir sur les grands problèmes de santé dans l’arrière-pays a toujours figuré parmi les priorités de HEAL Africa en RD Congo. Le 27 Septembre 2019, une équipe médicale de HEAL Africa composée de cinq personnes a entrepris une sortie vers la province du Nord-Ubangi, avec la mission de redonner honneur aux femmes de ce coin de la république qui vivent dans l’humiliation qui, toujours, fait suite à la contraction d’une fistule. Il leur a fallu 3 jours pour atteindre l’Hôpital Général de Référence de Karawa, où ils seront établis une trentaine de jours pour mener à bon port leur mission.

A 75 km à l’est de la ville de Gemena où se trouve son plus proche aéroport, Karawa est une localité située en territoire de Businga, Nord-Ubangi, dans la partie Nord-Ouest de la RD Congo. Les habitants de la localité vivent de la culture d’arachides et de manioc. La majeure partie de la récolte sert à la ration alimentaire, et le reste est vendu pour répondre aux besoins supplémentaires des ménages. La cité de Karawa, chef-lieu de la localité, héberge l’Hôpital Général de Référence de Karawa, structure où l’équipe en mission est établie pour la campagne.

Construit initialement pour desservir l’ensemble de la population du Nord-Ubangi, l’HGR de Karawa existe depuis 1932. Il est tombé en ruines au fil du temps en raison d’un manque quasi-permanent d’entretien. Le barrage hydroélectrique qui produisait de l’électricité pour l’agglomération de Karawa –et l’hôpital– fut électrocuté en 2000 et, depuis, le traitement des cas extrêmes nécessitant de l’énergie électrique a toujours fait recours à des groupes électrogènes qui, eux non plus, ne sont pas souvent en très bonne forme.

Certains partenaires de l’hôpital y ont installé des panneaux solaires, mais cela n’est pas suffisant pour assurer le fonctionnement continu des principaux services tels que le bloc opératoire. Par manque d’eau courante, l’hôpital fait recours aux rivières environnantes au moyen d’un système de pompage ou, carrément, à l’eau de pluie lorsque le système précité est en panne. Cela rend difficile le maintien des conditions normales d’hygiène des patients qui, pour la plupart, passent le temps de leur traitement sur des lits sans matelas, n’utilisant que des nattes fabriquées localement pour dormir. Les femmes ayant subi des opérations pour la réparation de leurs fistules passent pratiquement deux semaines dans ces conditions à attendre leur rétablissement complet.


Un afflux des patientes, fruit d’une sensibilisation fructueuse


La prévision est d’un socle de 100 patientes attendues pour cette campagne de réparation gratuite des fistules. Animée par le souci de réparer le plus de femmes possible, l’équipe a dépêché un sensibilisateur qui a préparé le terrain deux mois avant le début de la campagne. 85 femmes avec fistules enregistrées déjà attendaient les spécialistes au moment de leur arrivée à Karawa.

Appuyée par les activistes de la CEUM –Communauté Evangélique de l’Ubangi-Mongala, la sensibilisation a été poussée jusqu’à des visites à domicile dans les zones non couvertes par les radios locales. Avec des infrastructures routières en état de délabrement avancé ou carrément inexistantes, les sensibilisateurs et les patients se sont plusieurs fois retrouvés dans l’obligation de parcourir plusieurs dizaines de kilomètres à pieds pour atteindre l’HGR de Karawa.

Certains coins sont si enclavés que les femmes enceintes sont transportées dans une sorte d’outil confectionné à base de lianes et de supports en bois disposés d’une certaine façon à aménager suffisamment d’espace pouvant contenir une personne à l’intérieur. Cet outil qui nécessite un seul transporteur –à porter comme un sac à dos– est remplacé par une civière, plus confortable et nécessitant 4 personnes dès que la patiente a accès à un sentier plus large. A ce propos GBOTEA ZUBU, bénéficiaire de la campagne en cours a déclaré, « l’année dernière ma sœur ainée a du accoucher en route parce que cela lui a pris trop longtemps pour atteindre le centre de santé le plus proche de notre village.


Vivre isolée pour échapper au rejet de la communauté


« Nous avons tous été au moins une fois rejetés dans notre vie, et en avons certainement souffert. Lorsque cela devient un mode de vie, sans le moindre espoir de s’en sortir, et cela à la suite d’une pathologie que soit nous croyons incurable soit nous n’avons pas suffisamment de moyens pour nous en débarrasser dans une structure sanitaire appropriée, l’intensité du désarroi qui en découle défie l’imagination ». Voilà comment Mme FUTU MANDA, guérie de sa fistule après 10 ans d’afflictions avec sa maladie, décrit ce qu’elle a enduré dans sa communauté.

Agée de 50 ans, Mme DEANGAGO DEMOMO a quant à elle choisi de vivre dans la réclusion loin de son village parce que, a-t-elle expliqué, « je ne pouvais pas supporter plus longtemps de voir les personnes cracher à mon passage suite à l’odeur répugnante que ma fistule m’avait collée dessus. Ma guérison est l’ultime preuve que Dieu a un plan merveilleux pour chaque être humain ». Réparée lors de la campagne menée par HEAL Africa à Karawa en Mars 2017 une bénéficiaire avait déclaré, « Ma douleur a atteint son point culminant lorsque dans ma famille plus personne ne s’asseyait à la même table que moi pour prendre le repas. J’en avais marre de vivre sous le poids de l’ennui que je générais tout autour de moi ».

« Vivant dans des zones rurales, bien des patientes ont eu recours à la médecine traditionnelle pour tenter un traitement, mais loin de trouver la guérison recherchée, leurs situations en sont ressorties aggravées. Il est donc impératif que les patientes de fistule renoncent aux tentatives de traitement traditionnel », a conseillé Dr. Justin PALUKU, gynécologue-obstétricien et chirurgien des fistules de l’hôpital HEAL Africa, à la tête de l’équipe en mission à l’HGR de Karawa.

C’est avec le financement de Fistula Foundation que cette campagne qui vise à délivrer plus d’une centaine de femmes de leurs fistules est exécutée. Conjuguant avec les remerciements de ces centaines de femmes bénéficiaires de nos campagnes de traitement des fistules dans le Nord-Ubangi depuis 2013, l’expression de notre reconnaissance envers cette organisation humanitaire s’impose.

Pour rappel, l’expression « fistule obstétricale » désigne une communication anormale –une fistule– établie entre le vagin et la vessie (fistule vésico-vaginale) ou entre la vessie et le rectum (fistule vésico-rectale) ou encore entre le vagin et le rectum (fistule recto-vaginale) survenant à la suite d’une grossesse compliquée.