A la rescousse des femmes avec fistules dans l’Espace Kasaï, en RD Congo

Après la dernière mission de campagne de réparation gratuite des fistules à l’HGR de Lukonga à Kananga, qui a délivré plusieurs femmes de cette pathologie handicapante au mois de Mars 2021, l’équipe de la clinique mobile d’uro-gynécologie de l’Hôpital Tertiaire HEAL Africa conduite par le Dr Justin Paluku s’est rendue dans le territoire de Lwiza, situé à environ 210 kilomètres de la ville de Kananga, pour y réparer des patientes porteuses de fistules.

En Octobre 2021, HEAL Africa a pu dépêcher une équipe médicale spécialisée dans la province du Kasaï-Central pour apporter des soins appropriés à ces femmes dans leur milieu et, ainsi, palier à leurs limitations quant à ce qui est du déplacement vers les régions disposant de structures de santé et des compétences nécessaires pour leur traitement.

« Dans le contexte actuel de l’Espace Kasaï, la femme qui a la malchance de contracter une fistule est laissée pour compte par manque d’équipement et des compétences préalables au traitement de cette pathologie dans la région » , avance Dr. Denis MPIKA MPIKA, Médecin Directeur de l’Hôpital Général de Référence de Lwiza –HGR Lwiza, structure qui a accueilli la campagne.

Il en faut beaucoup pour améliorer la santé de la femme du Kasaï

La femme vivant dans l’Espace Kasaï demeure enfermée dans un contexte socio-économique non permissif à son épanouissement sur beaucoup de plans. Dans la région, accoucher dans une structure de santé dépend d’un certain nombre de facteurs, confie en quelque sorte Jeannette KALONJI, croisée à l’HGR de Lwiza pendant qu’elle y accompagnait sa sœur ainée, qui venait de passer 3 ans sous le joug de la fistule. « Le mari doit d’abord être de bonne humeur avant de questionner ses économies pour pouvoir décider que son épouse accouche dans un hôpital » , avance-t-elle.

« C’est à 17 ans que j’ai accouché pour la première fois, et l’expérience m’a enlevé toute envie d’être mère » , se remémore Nama, une jeune femme qui a eu sa fistule réparée avec succès à l’HGR de Lwiza lors de cette campagne.

Nama a accouché à domicile, seulement assistée des deux femmes les plus âgées de son village, révèle-t-elle. Sa vessie en est ressortie lésée, générant ainsi une fistule qui l’a rendue malheureuse durant environ une année et demie. « Comme s’il me fallait payer au plus haut point, j’ai perdu mon bébé pendant le travail d’accouchement » , renchérit-elle.

Au village Kalele d’où Nama est partie, à pieds, pour atteindre l’Hôpital Général de Référence de Lwiza deux jours plus tard afin d’avoir sa fistule réparée, l’écoulement incontrôlé des urines après accouchement est perçu comme une malédiction. « Avant de mourir, mon père, contrarié, m’avait reproché de m’être mariée trop jeune. Mon entourage considérait son mécontentement comme la cause de ma fistule » , ajoute-t-elle.

Face aux limitations diverses, la femme paie le plus lourd tribut

Elles sont nombreuses, ces femmes qui accouchent à domicile dans la localité de Lwiza. L’HGR de Lwiza est, pourtant, le deuxième plus ancien hôpital de la province du Kasaï-Central. Malheureusement, les structures de santé de la région ne sont pas suffisamment fréquentées par les femmes enceintes. « La médication traditionnelle a encore beaucoup d’ampleur » , explique Tshitenge Junior, infirmier à l’HGR de Lwiza.

Couplé à la détérioration avancée des infrastructures routières de l’Espace Kasaï, ce fait repousse la femme du milieu dans les plus sombres retranchements. « Déplacer une femme d’un village donné pour atteindre la première structure des soins la plus proche, cela nécessite des moyens de transport que nous n’avons pas le luxe d’avoir. Avec l’état de nos routes, prendre la femme enceinte sur une civière de fortune amplifie les risques des complications. Nous faisons donc recours aux accoucheuses traditionnelles, comme le faisaient nos grands-parents » , indique Ilunga Jean, notable d’une entité locale.