
Beni : Par la chirurgie, redonner àla femme sa dignité
Depuis presque une décennie, la clinique mobile d’uro-gynécologie de HEAL Africa exécute des campagnes chirurgicales gratuites pour les femmes àl’Hôpital Général de Référence de Beni. La dernière en date vient de se clôturer, enregistrant ainsi plus de 150 actes posés, délivrant bien des femmes de leurs fistules, prolapsus génitaux, déchirures du périnée et de maintes autres complications gynécologiques.
Amener les soins vers la femme malgré l’éruption volcanique
A la veille de la journée internationale pour l’élimination de la fistule obstétricale (JIEFO 2021), le volcan Nyiragongo est entré en éruption. L’évacuation décrétée par le gouvernement provincial suite àl’activité sismique post-éruption a beaucoup handicapé la préparation de la campagne.
Habitant les quartiers les plus exposés àla nouvelle coulée potentielle de lave annoncée, la plupart des médecins et infirmiers qui devaient intervenir dans la campagne venaient de quitter la ville de Goma. « A considérer la situation et le nombre de femmes qui attendaient àl’HGR Beni, je ne pouvais me permettre aucune excuse» , a laissé entendre Dr Benjamin KALOLE, qui a rejoint l’HGR Beni àpartir de la ville de Butembo où il s’était réfugié avec sa famille. Le reste de l’équipe était éparpillé dans différents sites d’évacuation.
La collaboration traditionnelle entre HEAL Africa et l’HGR Beni en matière de campagnes de chirurgie pour femmes a constitué un grand atout pour la réussite de la campagne. « A chaque fois, une bonne préparation a toujours constitué un préalable majeur » , note Dr Justin PALUKU, gynécologue-obstétricien et chirurgien des fistules àl’hôpital HEAL Africa.
La prévention et contrôle des infections, la répartition des tâches entre les équipes médicales locales et celle en mission, la préparation des matériels, cela nécessite parfois des équipes d’avance sur terrain pour des résultats les plus probants. Associée àla familiarité avec les équipes soignantes de l’HGR Beni, une profonde collaboration en amont a rendu possible la tenue de la campagne.
De ces instants qui nous réchauffent le cœur
Quelques jours après l’intervention, les patientes retournent au centre de transit établi au sein de la base locale de HEAL Africa, Beni, pour suivi, le temps d’un rétablissement complet. C’est ensuite qu’elles regagnent leurs villages respectifs. Là, la bonne humeur reprend le dessus.
Chaque nouvelle arrivante est accueillie par ses paires d’une manière qui force l’admiration, une forme de célébration de la victoire que remportent ces courageuses femmes sur ces pathologies qui les ont gardées dans la réclusion durant des années. Leurs sourires francs, la clameur grandissante àl’approche de la brave dame de l’instant, comme elles appellent celles qui reviennent de l’hôpital pour se reposer au centre de transit, cela installe une bonne humeur qui, par voie de conséquence, renforce le travail des assistantes psycho-sociales qui accompagnent les patientes tout le long de leur séjour au centre.
« Ici, je me suis fait de nouvelles amies. Elles m’ont comprise et acceptée àmon arrivée. C’est une deuxième famille pour moi, qui m’a accueillie àl’autre extrémité du tunnel de réclusion où j’étais enfermée » , a confié Clémence, délivrée d’une large déchirure du périnée qu’elle a portée 32 ans durant.
Des complications dues àdes facteurs évitables
Diverses recherches assertent que les facteurs de risque regroupés sous le vocable 4 TROPs, désignant les grossesses trop précoces, trop tardives, trop nombreuses et trop rapprochées accroissent les risques de développer la fistule, le prolapsus utérin et bien d’autres complications gynécologiques. « Agir sur ces facteurs demeure la meilleure approche pour améliorer la santé de la femme » , affirme Dr Benjamin KALOLE, gynécologue-obstétricien àl’hôpital HEAL Africa, Goma.
Le retard dans la prise de décision d’amener la femme souffrante vers une structure des soins, le retard dans l’accès aux infrastructures sanitaires et l’absence des soins de qualité viennent renforcer ces risques de complications. Une forte sensibilisation àbase communautaire produirait certainement des résultats probants quant àce problème de santé publique.
“Dans mon village, c’est la plus âgée des femmes qui conduit les accouchements. Guérie, j’ai compris que ma fistule n’était pas due àune malédiction » , a déclaré Esther, àsa sortie d’hôpital. Venue de Kongolo, province du Katanga, sa maladie était perçue comme le résultat d’un sort dans l’acception commune.
« L’accès àla contraception est très réduit dans les pays du tiers-monde » , a rapporté l’OMS en 2015. Au stade actuel, la situation n’a pas beaucoup changé. Limiter les naissances reste pourtant l’un des moyens les plus efficaces pour améliorer la santé de la femme. Bien des idées préconçues relatives àla contraception circulent dans la communauté, et ne font que pousser la femme dans les plus sombres retranchements, en matière de sa santé.


Beaucoup de patientes soignées durant la campagne sont des déplacées de guerre. L’opportunité les a retrouvées àBeni, et elles en ont profité avant de retourner dans leurs villages d’origine. C’est avec l’appui de la Banque Mondiale, àtravers le FSRDC, que la campagne a été exécutée dans le cadre du projet de Prévention et Réponse aux Violences Basées sur le Genre, au Nord-Kivu.